Dans cette série sur la non-impression des tickets de caisse en 2023, notre premier article traitait de la loi elle-même: plus aucun ticket ne devra s’imprimer par défaut en 2023 au niveau des caisses enregistreuses.
La portée de cette loi tient au fait que le mot ticket s’entend au sens large : ticket de caisse, ticket de carte bancaire, bon de réduction… Aussi avons-nous décidé une approche originale: expliquer pour chaque type de ticket les situations actuelles et à venir. Le plus célèbre de ces tickets est simplement appelé « ticket de caisse ». Il fait l’objet de notre deuxième article.
Ce troisième article vise le ticket de carte bancaire, un bout de papier thermique bien souvent négligé dans les sujets « anti-gaspi » ou « ticket de caisse digital ». Enfin, jusqu’à la Covid et ses implications sanitaires dans le retail…
1 – Houston, we have a problem
Avec le ticket de carte bancaire arrive le premier gros télescopage entre la réglementation actuelle, et celle que prépare la loi anti-gaspi pour 2023.
De nos jours, remettre un ticket de carte bancaire est juste obligatoire.
Ticket CB: qui “fait la loi”?
Beaucoup se demandent d’où proviennent les règles qui régissent l’utilisation des cartes de paiement. C’est loin d’être trivial pour les non-connaisseurs.
Pour résumer en quelques lignes, nous sommes sur un billard à 3 bandes. Le paiement par carte s’opère sur des réseaux de paiement: CB, Visa, Mastercard… Chacun propose son “schéma”, un ensemble de règles qui régissent les opérations de paiement, et s’articulent dans une sorte de contrat cadre proposé aux banques.
Les banques aménagent ces contrats cadres, souvent en regroupant les principaux réseaux en un seul contrat d’acceptation des paiements par cartes, comme ici, celui de la Société Générale pour les petits commerces par exemple.
Les banques demandent à leurs clients commerçants de respecter ce contrat pour pouvoir accepter les paiements par carte.
Les règles sont ainsi fixées par les réseaux de paiement et les banques, qui en répercutent toutes celles qui concernent les commerçants, dans un contrat d’acceptation, qu’ils signent.
La réglementation en vigueur
Pour savoir ce que l’on a le droit de faire ou non avec les tickets de cartes bancaires, il faut donc regarder les conditions générales des contrats d’acceptation que l’on a signé avec sa banques. Chaque retailer s’y référera.
Nous avons décortiqué ainsi les conditions de plusieurs banques, et les points qui nous intéressent ressemblent à cela:
« Lors du paiement, l’accepteur “CB” s’engage à remettre au Titulaire de la Carte l’exemplaire du Ticket TPE qui lui est destiné.” (Banque Populaire)
ou encore:
“L’accepteur s’engage à : (5.2.8) dans tous les cas où l’équipement électronique édite un ticket, remettre au titulaire de la carte l’exemplaire qui lui est destiné” (HSBC).
Le phrasé est similaire au Crédit Agricole, à la Caisse d’Épargne… Quelle que soit la banque, le verdict est le même, seule la formulation diffère. Et pour le dire simplement: la remise du ticket CB est obligatoire !
Sauf à trouver des contrats d’acceptation qui sur-transposeraient les directives des contrats cadres des réseaux de paiement, à ce stade de notre analyse, il est actuellement impossible que le client sorte d’un magasin sans son ticket de carte bancaire. Si, ni l’exécutif, en jouant sur le décret d’application de la loi, ni les réseaux de cartes de paiement, en modifiant les contrats cadres, ne bougent les lignes, cette contradiction flagrante ne peut être levée que par le e-ticket de carte bancaire.
2 – Les mythes autour du ticket de carte bancaire digital
Évoquer le e-ticket de carte bancaire, c’est réactiver LA grande controverse sur la dématérialisation des tickets en caisse : a-t-on le droit ou non de dématérialiser les tickets de carte bancaire ?
À Limpidius, nous ne comptons pas les heures de débats passionnés sur cette question avec les enseignes. Gâchons tout de suite la réponse : oui nous pouvons dématérialiser les tickets CB.
La genèse du mythe
En 2016, un séisme a secoué le microcosme des réseaux de carte bancaire. Sous l’effet de la transposition en droit français d’une directive européenne, les commerçants ont été priés d’ouvrir progressivement à la concurrence les paiements par carte. Le fait le plus marquant de ce nouveau cadre légal est de permettre aux clients de choisir d’utiliser CB, Visa, Mastercard… lors d’un paiement, de la même manière que cela se pratique depuis des années pour un paiement en ligne.
Cette loi, qui ravit les esthètes du paiement, passe, dans les faits, totalement inaperçue pour la plupart des consommateurs. En revanche, les experts de l’encaissement à qui rien n’échappe, ont tout de suite noté que les Conditions Générales des banques avaient changé. Et sur le point précis qui nous intéresse, il est désormais écrit depuis 2017 :
L’accepteur s’engage à (7.2.8) :” mettre à disposition du Titulaire de la Carte l’exemplaire du Ticket TPE qui lui est destiné, sous forme papier ou dématérialisée” (d’après les conditions de la caisse d’epargne mais cet extrait est similaire pour toutes les autres banques).
Pour le redire clairement: les contrats d’acceptation ont été modifiés de sorte qu’apparaisse noir sur blanc la possibilité de délivrer un ticket de carte bancaire dématérialisé.
Une telle précision a eu pour effet de laisser penser que ce n’était pas possible avant. Toutefois le lecteur avisé a bien noté que, dans l’ancienne formulation, le format du ticket de carte bancaire à remettre, papier ou numérique, n’était pas précisé.
« remettre » n’implique pas de matérialité
Et c’est à ce moment précis que toute société spécialisée dans la dématérialisation dégaine son arme de guerre: l’article 1366 de l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art.4 du code civil qui, précise noir sur blanc que “l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.”
Ainsi, la loi autorise de remettre une preuve numérique s’il n’est pas spécifié qu’elle doit être remise exclusivement dans un autre format. Le ticket de carte bancaire s’inscrit complètement dans ce raisonnement.
Les grands comptes ont parfois des contrats d’acceptation qui leurs sont spécifiques. N’hésitez pas à échanger avec nous si vous en connaissez où il est spécifié noir sur blanc que seul le format papier est accepté. Nous n’en avons pas trouvé à date.
3 – Ticket CB Digital, loi anti-gaspi et COVID-19
La dématérialisation du ticket CB
Nous l’avons vu, le ticket de caisse CB dématérialisé est le seul moyen de satisfaire dès maintenant aux exigences de la nouvelle loi « anti-gaspi ». Et il est autorisé.
Le lecteur avisé aura vite fait de noter que beaucoup d’enseignes ne pratiquent encore qu’une dématérialisation partielle, et continuent d’imprimer tout ce qui sort sur l’imprimante thermique en dehors du ticket de caisse (ticket CB, bons de réduction, récapitulatif de points de fidélité, …). Sur le sujet précis du ticket CB:
- nous-mêmes avons encore quelques enseignes clientes qui ne le dématérialisent toujours pas. Mais progressivement, celles-ci basculent vers une dématérialisation intégrale de tous leurs tickets, comme nous le recommandons,
- il existe des enseignes qui ont internalisé le e-ticket de caisse et dématérialisent aussi le ticket CB, comme Jules par exemple.
Parmi les raisons qui expliquent que les tickets CB ne soient pas encore dématérialisés, le quiproquo évoqué plus haut (le « mythe ») a véritablement constitué un vecteur de procrastination. Mais il existe aussi des explications bassement matérielles.
Lorsque l’enseigne n’est pas encore sur un dispositif de type « monétique intégrée », le ticket CB est imprimé directement sur le boîtier de Terminal de Paiement Electronique (TPE). Seuls les opérateurs de paiement peuvent éventuellement agir sur la digitalisation de ce processus. Dans les faits, hormis quelques cas particuliers, les TPE sortent pour la plupart des tickets papier. Cette typologie d’enseigne, dite en « monétique autonome » ou en « monétique semi-intégrée » (nous vous passons les détails), est assez rare dans le portefeuille client de Limpidius (une seule de nos enseignes).
Le e-ticket CB par Limpidius
A Limpidius, nous embarquons par défaut le e-ticket CB, ainsi que la possibilité de l’imprimer quand même sur demande. La plupart de nos enseignes clientes sont pour la plupart déjà à jour sur l’entièreté de la réglementation prévue pour 2023.
Si la transmission du e-ticket se fait par email, le e-ticket CB peut aussi bien apparaître dans une pièce jointe PDF à part (par exemple chez Décathlon) ou dans la même pièce jointe que le e-ticket de caisse (par exemple chez Fresh.).
Ticket de caisse digital et COVID
Suite à la nouvelle loi anti-gaspi, nous nous attendions à ce que les enseignes commencent à se mobiliser sur le sujet du e-ticket CB. Il n’en fut rien, et il est vrai qu’il n’est pas aisé d’en saisir toutes les nuances de prime abord.
Toutefois la COVID-19 est passée par là et d’un seul coup, toutes les enseignes ont réalisé qu’elles imprimaient aussi un ticket CB! L’enjeu maintenant est de faire ce pour quoi Limpidius milite depuis ses début: zéro papier en caisse! Du point de vue sanitaire, cela se traduit par « une barrière anti-covid » de plus, qui rassurera le staff et les clients.
4 – Les cas où l’impression du ticket CB est obligatoire
Il est souvent évoqué, lors des échanges avec l’encaissement, que l’impression du ticket CB est parfois obligatoire. Les 3 situations suivantes reviennent régulièrement dans nos conversations.
Achat supérieur à 1500€
En raison des articles 1359 et 1341 du code civil, les conditions des banques précisent que lorsqu’un achat dont le montant est supérieur à 1500€, le ticket de carte bancaire doit être obligatoirement signé de façon à ce que le commerçant puisse vérifier la similarité entre la signature sur le ticket et celle au dos de la carte bancaire (voir par exemple les articles 5.2.7 et 5.2.8 des conditions générales de la société générale).
Carte bancaire étrangère
Les cartes étrangères non dotées d’une puce électronique doivent obligatoirement, comme dans le cas précédent, faire signer le ticket et vérifier la concordance de signature entre le ticket et la carte bancaire de l’utilisateur.
Dans les faits, Limpidius imprime tout lorsque la carte bancaire est étrangère. Par sécurité.
Paiement mobile
Lors d’un paiement mobile sur un TPE, certaines enseignes demandent de signer le ticket (par exemple chez Grand Frais). Qu’il faut donc imprimer.
Nouveau mythe à défaire
Question: a-t-on affaire à un nouveau cas de contradiction entre les réglementations actuelles et de 2023? Là encore, une confusion a entretenu le doute.
Lorsqu’un paiement est effectué, deux tickets de carte bancaire sont émis: celui pour le client (souvent intitulé « ticket client« ) et celui pour le commerçant (« ticket commerçant« ).
Le ticket commerçant est le plus souvent déjà dématérialisé par le logiciel de caisse dans les grandes enseignes de la distribution. Sinon, il est conservé par le commerçant.
Dans toutes les exceptions évoquées plus haut, lorsqu’on dit que le ticket CB doit obligatoirement être imprimé, il s’agit bien du ticket commerçant, non du ticket client. Ces cas n’entreront donc pas en conflit avec la réglementation prévue pour 2023.
N’hésitez pas à nous relayer des cas que nous aurions omis, si vous avez la source fiable qui va avec ! De manière générale, le sujet du paiement est très vaste. Le lecteur spécialisé dans la monétique nous pardonnera d’avoir parfois survolé des sujets denses pour concentrer notre propos sur l’impression, la digitalisation, et la non-impression du ticket CB.
Le prochain article de notre série « Tickets de caisse en 2023 » traitera de tous les autres tickets susceptibles d’être imprimés sur l’imprimante thermique de la caisse, et que la nouvelle loi anti-gaspi impose également de ne plus imprimer. Encore des tracasseries en perspective, certes, mais nous considérons que cela va dans le sens de l’histoire!
Mise à jour: 15/12/2022 ➡️ le décret d’application de la loi AGEC sur les tickets de caisse vient de paraître. Nous le décortiquons ici.